Cette question qui vient d’être posée par un salarié sur notre site avait déjà été traitée il y a cinq ans dans notre journal NVO.
Nous rappelons le lien existant pour obtenir la réponse, ainsi que celui de l’INRS sur le thème qui s’y raccorde.
Rappelons aussi que la canicule exceptionnelle de l’été 2003 a entraîné une surmortalité estimée à près de 15000 décès. La France n’avait jamais été confrontée à de telles conséquences sanitaires engendrées par une chaleur extrême. Ce phénomène a révélé la nécessité d’adapter le dispositif national de prévention et de soins avec la mise en place d’un plan national canicule (PNC).
Son objectif est de définir les actions de court et de moyen terme dans les domaines de la prévention et de la gestion de crise afin de réduire les effets sanitaires d’une vague de chaleur, tant chez les personnes fragiles que pour les salariés exposés aux risques, et notamment la Fiche 3.2 : Les travailleurs.
Obligations de l’employeur face à la canicule
I. Le cadre légal
· Dispositions générales
Ø Obligation générale de sécurité
D’une manière générale, il incombe à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs (C. Trav, article L 4121-1). Selon ce même article, les mesures devant être prises correspondent à des actions de prévention, d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
De telles mesures doivent donc être prises lorsque des conditions climatiques extrêmes les justifient.
En outre, selon le Code du travail, l’employeur doit veiller à adapter ces mesures « en fonction du changement des circonstances », ce qui implique une attention aux changements météorologiques susceptibles de mettre en danger la santé et la sécurité des salariés.
Depuis 2002, la Cour de cassation considère qu’ « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ». Par conséquent, l’employeur doit mettre en œuvre toutes les mesures permettant d’assurer effectivement la santé et la sécurité des salariés. Si un accident du travail ou une maladie professionnelle survient, la responsabilité de l’employeur pourra être engagée.
Ø La prévention des risques par l’employeur
Selon l’article R 4121-1 du Code du travail, l’employeur doit transcrire les résultats de l’évaluation des risques dans son entreprise dans un document unique, et les tenir à jour. L’article précise : « Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou l’établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques ».
Ø Obligations spécifiques de l’employeur en matière de fortes chaleurs
Il n’y a pas en droit français de température maximale pour exercer son activité professionnelle. Néanmoins, un certain nombre de mesures doivent être prises par l’employeur en ce qui concerne la chaleur excessive en milieu professionnel.
– permettre aux salariés de se désaltérer (C. Trav, articles R 4225-2 à R 4225-4)
L’employeur a l’obligation de mettre à la disposition de tous ses salariés de l’eau potable et fraiche.
De plus, pour les salariés devant se désaltérer fréquemment lors de circonstances de travail particulières, l’employeur doit mettre gratuitement à disposition au moins une boisson non alcoolisée. La liste des postes concernés est établie par l’employeur après avis du médecin du travail et du CHSCT ou à défaut, des délégués du personnel (C. trav., article R 4225-3).
Selon la Direction générale du travail (DGT), lorsque le salarié constate que l’employeur n’a pris aucune mesure pour le protéger contre les risques liés à la chaleur, ou refuse de mettre à sa disposition de l’eau fraîche et des locaux suffisamment aérés, il peut à saisir l’inspection du travail. La DGT appréciera alors si les circonstances climatiques et la situation du salarié justifiaient ou non l’adoption de ces mesures (Circ. DGT nº 9 du 4 juillet 2013).
– Assurer une adaptation du lieu de travail en matière de température
Les équipements et caractéristiques des locaux de travail doivent être conçus de manière à permettre l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs.
Dans les locaux fermés où les travailleurs sont appelés à séjourner, l’employeur doit veiller à ce que l’air soit renouvelé de façon notamment à éviter les élévations exagérées de température, les odeurs désagréables et les condensations (C. Trav., articles R 4222-1 à R 4222-9).
Les postes de travail extérieurs doivent être aménagés de telle sorte que les travailleurs soient protégés contre les conditions atmosphériques dans la mesure du possible (C. Trav., article R 4225-1).
Ces obligations incombent aussi aux maîtres d’ouvrage (C. trav., article R 4213-7).
· Dispositions particulières au BTP
Pour le bâtiment et les travaux publics plus qu’ailleurs, des mesures spécifiques doivent être mises en place.
A titre préventif, selon l’article R 4534-142-1, l’employeur doit mettre à la disposition des travailleurs soit un local permettant leur accueil dans des conditions de nature à préserver leur santé et leur sécurité en cas de survenance de conditions climatiques susceptibles d’y porter atteinte, soit d’aménagements de chantiers les garantissant dans des conditions équivalentes.
De plus, l’article R 4534-143 du Code du travail impose à l’employeur de mettre à la disposition des travailleurs du bâtiment de l’eau potable et fraîche, à raison de trois litres au moins par jour et par travailleur.
Si les conditions atmosphériques rendent effectivement dangereux ou impossible l’accomplissement du travail, l’entrepreneur ou son représentant sur le chantier peut décider d’arrêter le travail, après avoir consulté les délégués du personnel. Dans ce cas, les salariés peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’une indemnisation au titre du chômage intempéries (C. trav., art. L 5424-8 et suivants).
II. Le droit de retrait du salarié
Le droit de retrait, prévu à l’article L 4131-1 du Code du travail, permet aux salariés ayant un motif raisonnable de penser qu’ils se trouvent dans une situation de travail présentant un « danger grave et imminent » pour leur vie ou leur santé de stopper leur travail. Pour cela il faut qu’ils en avertissent immédiatement l’employeur. Si ce droit est exercé légitimement, aucune sanction ne pourra être appliquée au salarié.
La légitimité du droit de retrait est appréciée par le juge. Il faudra que le salarié prouve que sa santé était effectivement menacée par la température extérieure.
III. Préconisations du plan canicule 2015
La mise en œuvre du plan national canicule de 2015 est fixée par une instruction interministérielle du 12 mai 2015.
Ø 4 niveaux d’alerte
L’instruction ministérielle détaille les 4 niveaux d’alerte mis en place sur le territoire métropolitain.
Le niveau 1 « veille saisonnière » est un niveau préventif, déclenché du 1er juin au 31 août, qui met en place notamment un dispositif d’information.
Le niveau 2 « avertissement chaleur » est mis en place lors de pics de chaleur ou lorsqu’une canicule est sur le point de se déclencher. Il permet de mettre en œuvre des mesures graduées en prévision de la canicule.
Le niveau 3 correspond à l’ « alerte canicule » : le préfet déclenche un plan de gestion de la canicule au niveau de chaque département.
Un niveau 4 « mobilisation maximale » est déclenché de façon exceptionnelle par le Premier Ministre, en cas de canicule très intense et durable avec effets collatéraux dans différents secteurs (sécheresse, approvisionnement en eau potable, nécessité d’aménagement du temps de travail ou d’arrêt d’activités, etc.).
Ø Rappel des obligations incombant aux employeurs
En outre, l’instruction rappelle les obligations, évoquées plus haut, qui incombent aux employeurs :
– prise des mesures destinées à assurer la sécurité et à protéger la santé des travailleurs, en tenant compte, notamment, des conditions climatiques ;
– intégration du risque « fortes chaleurs » dans le cadre de l’élaboration du document unique.
Ø Précisions quant au rôle des Direccte
L’instruction précise les missions des Direccte dans le cadre du plan canicule : informer les entreprises en les incitant à adapter l’organisation du travail en prévision de fortes chaleurs ; mobiliser les services de santé au travail afin que les médecins du travail conseillent les employeurs quant aux mesures à prendre pour protéger les salariés ; prévoir une vigilance accrue de l’inspection du travail dans les secteurs d’activité les plus concernés, en particulier le BTP.