« C’est avec nos impôts qu’on licencie des salariés »
À la veille des soldes, près d’un millier de salariés manifestait devant le ministère des Finances à l’appel de la CGT commerce et services. En ligne de mire: le dévoiement du CICE, l’emploi, les salaires et les conditions de travail.
Entretien avec Amar Lagha, secrétaire général de la fédération CGT du commerce et des services.
Près d’un millier de salariés était mobilisé le 23 juin devant le ministère des Finances à l’appel de la CGT. Pourquoi ?
Amar Lagha : Nous sommes dans la continuité de notre champ professionnel. Depuis plusieurs mois, notre fédération est en pointe contre la loi Macron sur le travail du dimanche et au-delà: chez Intermarché, nous faisons face à un nouveau plan social, nous en sommes au quatrième PSE; les salariés de Carrefour Market sont en lutte depuis plusieurs mois, le groupe Vivarte… Toutes ces entreprises ont en commun d’avoir reçu des aides de l’État. Et plutôt que de s’en servir pour accroitre leur compétitivité et embaucher, elles ne cessent de licencier. Aller manifester devant Bercy, c’était, symboliquement, aller demander des comptes. Aujourd’hui, c’est avec nos impôts qu’on licencie les salariés. C’est le comble.
Face à la lutte des salariés de Carrefour, la direction offre une augmentation équivalente à une demi-baguette par jour: 43 centimes. C’est du mépris. Chez Intermarché, pareil. Au lieu d’investir dans l’entreprise et de développer l’emploi, on lance le cinquième plan social… Les salariés de la FNAC, en lutte contre le travail du dimanche, et ceux de Sodexo, en lutte pour les salaires – on leur propose + 0,4% –, nous ont également rejoints. On entend des ministres prétendre que le pouvoir d’achat des Français a augmenté. Je ne sais pas de quels Français il parle. Ceux que nous rencontrons tous les jours sur le terrain sont aux prises avec une précarité généralisée.
Vous avez été reçus ?
En quelque sorte: nous avons été d’abord matraqués, puis gazé avec de la bombe lacrymogène. Et ensuite, on nous a envoyé un porte-parole du ministre pour nous demander si une délégation voulait être reçue. On a refusé. Conclusion: ça c’est très mal passé. Au lieu d’assumer ses responsabilités, le gouvernement se cache derrière les forces de l’ordre. Nous y allions pour dénoncer une violence sociale, on nous a répondu avec des gros bras.
Quelles sont les perspectives revendicatives ?
Nous allons soutenir toutes les luttes en cours et notamment dans leurs initiatives durant l’été. C’est le cas des salariés du groupe Vivarte, de ceux du groupe Carrefour Market. Notre prochaine commission exécutive fédérale devra nous permettre de prévoir une initiative commune pour marquer le coup dès la rentrée. Chaque organisation mobilise à sa façon. Par rapport aux problématiques rencontrées dans son champ professionnel. C’est une erreur stratégique, la CGT dans son ensemble devrait appeler à se mobiliser contre la loi Macron comme on l’a fait pour le 25 juin au sujet des salaires. Je regrette que nous ne prenions pas d’initiative plus offensive contre elle. Beaucoup pensent qu’il ne s’agit là que du travail du dimanche. C’est faux: il s’agit aussi de l’inspection du travail, des seuils sociaux, du contrat de gré à gré… Qui en parle? Il reste beaucoup à faire contre les dispositions prévues par la loi Macron.
Une semaine après le début des soldes, quels sont les enjeux?
Cette période créé vraiment du pouvoir d’achat pour les consommateurs, ce n’est pas le cas des salariés pour qui elle suppose toujours les mêmes problèmes : surcroit d’activité, planning modifié, écartement des amplitudes, sans compensation – ou rarement – équivalente au travail fourni. La compensation est pourtant prévue dans la loi mais «ce qui est prévu par la loi n’est pas une obligation légale à appliquer dans l’entreprise», nous répondent certains patrons. Aujourd’hui, cette période entraîne la multiplication des CDD d’été, la transformation des temps partiels en temps pleins… D’autant plus dans les entreprises succursalistes – TPE – où les salariés sont peu nombreux. Enfin, c’est une démonstration de force pour le patronat: les salariés en place ont bien compris qu’il ne faut pas broncher car de la main-d’œuvre, il y en a plein.